Comment apprendre à écrire et à lire à son enfant ? Une question que beaucoup de parents se posent. Selon la méthode Montessori, il faut d’abord apprendre à coder (écrire) avant de décoder (lire). Découvrez le troisième et dernier volet de l’introduction à la vision de Montessori. En partenariat avec l’Institut Supérieur Maria Montessori, et avec le magazine L’enfant et la vie.

Une préparation indirecte

« Ils savent lire et écrire plus tôt ! » « Le rythme de l’enfant est respecté »… Voilà les deux remarques les plus fréquentes à propos des écoles Montessori. Elles peuvent sembler contradictoires et susciter une interrogation : ces établissements cèderaient-ils à la tentation de « pousser » l’enfant pour le faire rentrer dans une course à la performance ? Non car, pour citer Maria Montessori, « notre idée n’a jamais été d’accélérer les études, mais seulement de répondre aux besoins psychiques manifestés par les enfants. L’homme intelligent éprouve le besoin naturel d’exercer son intelligence ».1

La proposition Montessori ne serait donc pas « en avance » mais « à l’heure » par rapport aux besoins de l’enfant. Ainsi, du matériel dit de mathématiques ou d’écriture va être présenté aux enfants dès 3 ans. Si l’atelier proposé par l’adulte entre vraiment en résonance avec le besoin de l’enfant, celui-ci s’y attelle avec appétit et enthousiasme. Ces manipulations, qui nécessitent persévérance et efforts, lui permettent d’acquérir les fondements de l’écriture, de la lecture et du décompte, sans qu’il le vive comme une contrainte.

À 4 ans, vivre le rapport de 1 à 10 en manipulant une barre d’un mètre de long et une autre de 10 centimètres, ça marque ! La posture Montessori n’est pas d’enseigner les mathématiques ou l’écriture mais de préparer l’intelligence de l’enfant aux notions qu’il appréhendera de façon intellectuelle et abstraite ultérieurement. Pour cela, elle a conçu un matériel qu’elle nomme « abstractions matérialisées » et qui met l’accent sur le sensoriel et le mouvement physique. Pour se préparer aux notions mathématiques, l’enfant va classer, ordonner, effectuer des mises en paires et des gradations, déverser des quantités dans un grand panier, ôter une quantité à une quantité de départ, mettre plusieurs fois la même quantité ensemble, partager en parts égales… Il éprouve avec son corps et son mouvement ce que c’est qu’additionner, soustraire, multiplier et diviser. Bien plus tard, au moment qui lui conviendra, l’enfant se détachera du matériel : son mental aura la capacité de prendre le relais du corps pour manipuler nombres, lettres, formes…

« Notre idée n’a jamais été d’accélérer les études, mais seulement de répondre aux besoins psychiques manifestés par les enfants. L’homme intelligent éprouve le besoin naturel d’exercer son intelligence » (Maria Montessori)

L’écriture sans lire ni écrire

Pour que l’écriture puisse émerger, plusieurs facteurs doivent converger : la confiance en ses gestes et en soi, la capacité d’indépendance (je peux m’exprimer), la connaissance de la langue (des sons et des lettres) et la préparation motrice. Si la confiance en soi n’est pas assez forte, ou si sa main ne suit pas, l’enfant perdra rapidement son intérêt pour l’expression écrite. Pour aiguiser cela, aucun stylo à l’horizon ! Bien d’autres activités exercent la précision des mouvements et la coordination oculomotrice : visser/dévisser, ouvrir et fermer un flacon ou une épingle à nourrice, boutonner/déboutonner…

Pour la connaissance de la langue, le jeu d’analyse des sons est proposé dès 3 ans. En partant d’un mot qu’il connaît, on questionne l’enfant : « Ecoute “éléphant“. Qu’est-ce qu’on entend dans ce mot ? : [é] [l] [é] [f] [ã]. »Peu à peu, en s’appuyant sur son ouïe, il va découvrir que tout mot peut être séquencé en sons. Là encore, on passe doucement du sensoriel à l’abstraction. Les mots deviennent des objets d’étude. L’enfant doit être libre de choisir le mot qu’il veut : c’est essentiel qu’il comprenne qu’il peut faire ça avec n’importe quel mot !

On passe doucement du sensoriel à l’abstraction. Les mots deviennent des objets d’étude. L’enfant doit être libre de choisir le mot qu’il veut : c’est essentiel qu’il comprenne qu’il peut faire ça avec n’importe quel mot !

Une fois qu’il est habile à ce jeu-là, on lui montre comment représenter ces sons, en introduisant les fameuses lettres et digrammes rugueux. Étape suivante : l’alphabet mobile (les lettres découpées), qu’il déposera sur un tapis pour former une phrase. Aucun acte graphique n’est donc associé à cette première façon d’écrire. Tracer des lettres viendra plus tard ! Écrire, c’est avant toute chose exprimer sa pensée. Lorsque l’enfant saisit cela, cela génère ce que Montessori a appelé l’explosion de l’écriture : « Je peux tout écrire ! » Il faut qu’il n’ait aucun doute à ce sujet : « Oui, tu peux tout écrire. » Les mots sont collés les uns aux autres ? Des sons sont oubliés ? Et alors ! C’est un moment particulier où l’enfant est scripteur sans être encore lecteur. Concentré sur ce qu’il veut écrire, il analyse le son, le place sur le tapis, se repositionne mentalement dans son mot, place le son suivant…

Cette explosion de l’écriture va l’emmener spontanément au mouvement de la lecture. À nous de saisir cette occasion pour introduire le matériel adéquat basé, lui, sur des mots phonétiques, sans lettres muettes : domino, moto etc. Pour l’anecdote, si on demandait alors à l’enfant : « Est-ce que tu peux lire ça ? », il nous répondrait : « Je ne sais pas lire ! » On lui dira plutôt : « Que te dit ce ticket ? » Très vite, sans s’en rendre compte, il entrera dans la lecture.

Lire aussiMontessori, c’est quoi au juste ? L’éducation comme une aide à la vie (1/3)

Et à la maison ?

Le langage oral est à la base de notre cheminement vers l’écriture et la lecture. Les adultes qui entourent l’enfant ont un rôle fondamental, à commencer par les parents ! Ils ne doivent pas craindre de mettre à la disposition de l’enfant le meilleur de leur langage : riche, précis, respectueux. L’enfant n’a jamais assez de mots ! Il a soif de langage et besoin qu’on lui nomme le monde pour pouvoir se dire dans le monde.
Quant aux mathématiques, elles sont spontanément présentes dans la vie quotidienne : dresser la table pour combien ? Avec combien d’assiettes ? Chaque couvert est-il complet ? S’il y a un invité, qu’est-ce qu’on ajoute ? Comment couper la quiche ? Comparer, ordonner, constater qu’une grande moitié et une petite moitié, ça n’existe pas. Il faut offrir à l’enfant le temps de vivre ces expériences-là, de tâtonner, de faire des erreurs, des oublis. Tout ce qui permet le vécu des quantités contribue à la préparation aux notions mathématiques.

Lire aussi : Montessori, c’est quoi au juste ? Ordre et mouvement pour construire la pensée (2/3)

  1. Maria Montessori, « L’enfant au travail », conférence donnée à Paris le 11 décembre 1936, transcription publiée dans Conferencia, le journal des conférences de l’Université des Annales, janvier 1937.

Isabelle Séchaud, directrice pédagogique de l’ISMM-Lyon
Anne Bideault, rédactrice en chef de L’enfant et la vie

Crédits photo : Charlotte Poussin

Pour aller plus loin

Maria Montessori, Mon approche expliquée aux parents, DDB, 2019
Charlotte Poussin, coffrets pédagogiques Eyrolles: Les lettres rugueuses (2013) ; J’apprends à lire avec Montessori (2016) ; Les chiffres rugueux (2014) ; Mon cahier pour apprendre à écrire et à lire (2019)

L’enfant et la vie est un magazine trimestriel indépendant fondé en 1969 par Jeannette Toulemonde pour faire découvrir aux parents français le travail de Maria Montessori. Il propose des pistes et des ressources pour mieux comprendre l’enfant et l’accompagner sur son chemin, à toutes les étapes de sa vie.

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Retrouvez dans Bayam « Mes ateliers Montessori », une série d’activités inspirées de Montessori, à réaliser à la maison.

Cette série est proposée et réalisée par Charlotte Poussin, éducatrice Montessori AMI et auteure d’ouvrages de référence sur le sujet, pour adultes et pour enfants, notamment les collections d’albums chez Bayard Ma journée Montessori (dès 18 mois) et Mes amis Montessori (3-6 ans)

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