Les Français recourent massivement à l’orthophonie, notamment en raison de la pression scolaire et du remboursement des soins par la Sécurité sociale. Mais ces professionnels se font rares par rapport à la très forte demande. Quand faire appel à un orthophoniste ? Quel est le rôle du parent dans l’accompagnement de son enfant ?

Cherche orthophoniste désespérément

La chasse à l’orthophoniste s’ouvre chaque année quelques semaines après la rentrée scolaire. L’enseignant(e) a fait comprendre aux parents que l’enfant peine à apprendre à parler ou à lire. Après un passage chez leur médecin qui leur prescrit un bilan, ils tentent anxieusement de trouver une “place” chez l’orthophoniste qui acceptera de… les inscrire sur une liste d’attente ! Le délai pour une prise en charge classique varie beaucoup d’une région à l’autre, mais tourne généralement autour d’un an.

Certains patients bénéficieront d’une place en urgence, par exemple à l’occasion d’une perte de la parole liée à un accident vasculaire, pour des enjeux vitaux de déglutition, ou pour un bégaiement précoce, à condition qu’ils trouvent un(e) orthophoniste formé(e) à ces spécialités. Mais dans l’ensemble, la profession souffre d’une grave pénurie.

Pourquoi cette pénurie ?

On accuse un numerus clausus trop restrictif. En effet, les places dans les écoles d’orthophonie sont limitées, malgré un nombre très élevé de candidats. Les effectifs augmentent pourtant de 4% par an. Elles sont aujourd’hui 25 000 à exercer en France (“elles”, car ce sont des femmes dans 96, 8% des cas). Mais les besoins augmentent beaucoup plus vite encore !

Du premier au dernier souffle

En effet, à mesure que les orthophonistes reçoivent une formation plus complète (depuis 2018, les études durent 5 ans), les indications se multiplient. Elles sont présentes tout au long de la vie, depuis les services de néonatologie où elles accompagnent le tout-petit à acquérir la succion, jusqu’à celui des personnes qui cherchent à maintenir leurs capacités cognitives malgré une maladie d’Alzheimer. L’orthophonie accompagne également l’entrée dans le langage des enfants malentendants, l’amélioration de la communication des personnes autistes, celles en situation de handicap, ou la rééducation de la parole après un AVC…

Par ailleurs, les séances d’orthophonie sont remboursées par la Sécurité sociale, ce qui encourage les familles à privilégier ces professionnels, même si parfois le suivi d’un psychomotricien ou même d’un psychologue serait aussi adapté.

Orthophoniste

Les parents en soutien actif

Les parents ont une place particulière dans le suivi orthophonique. Pour en limiter l’usage, il faudrait parfois laisser plus de temps à l’enfant pour qu’il devienne mature, à son rythme, un temps que l’école a du mal à lui donner. Mais surtout “faire alliance” avec le thérapeute. En étant associé étroitement entre deux séances, le parent peut soutenir la démarche de l’orthophoniste, en répétant éventuellement un exercice, ou en interagissant de façon adaptée. Ils ont un rôle essentiel pour encourager l’enfant dans ses progrès, parfois difficiles à obtenir.

La guidance parentale

Certaines prises en charge nécessitent une implication beaucoup plus forte du parent. Par exemple, la prise en charge du bégaiement du tout-petit consiste justement à accompagner les parents dans leur communication avec leur enfant. De là dépend la disparition du symptôme. C’est ce qui s’appelle la “guidance parentale” en orthophonie. Cette pratique est peu diffusée, elle n’est d’ailleurs pas référencée dans la nomenclature des actes des orthophonistes pouvant donner lieu à un remboursement. Cependant, il ne faut pas en mettre trop sur les épaules des parents, qui portent déjà beaucoup ! Ils ne sont pas thérapeutes…

L’orthophonie au chevet de l’école

Le recours massif à l’orthophonie est fortement lié à la pression scolaire qui pèse sur les enfants. Lorsqu’un élève tarde à faire les acquisitions attendues par le groupe, il y a une impatience à lui faire rattraper son “retard”. C’est d’autant plus vrai lorsque l’attente scolaire de la famille est élevée. Cela conduit à une orientation rapide vers l’orthophonie, très souvent en dehors d’une réelle pathologie (les dyslexies, elles, sont encore souvent mal diagnostiquées).

Là où l’école propose aux élèves un processus d’apprentissage normé, l’orthophoniste offre un cadre qui personnalisera les approches en fonction des compétences propres de l’enfant. C’est évidemment l’effet pervers d’un système qui médicalise la différence, à défaut de la prendre en charge dans le cadre scolaire.

Bérengère Wallaert, chargée d’études pour VersLeHaut

bayam1mois