Le 17 octobre, dans 80 pays du monde et 120 villes de France, ce sera l’occasion de dire non à la pauvreté et d’écouter la parole des plus démunis. Cette journée est célébrée au siège des Nations unies, comme dans les écoles. Volontaire de l’association ATD Quart Monde, Michel Besse revient sur l’histoire de ce grand moment de solidarité.

Qu’est-ce que la journée mondiale du refus de la misère ? Quel est son but ?

Michel Besse : La journée mondiale du refus de la misère a d’abord pour but de permettre à toute la société (élus, citoyens, personnes de toutes conditions) d’écouter le combat quotidien des personnes en grande pauvreté. Cela d’une manière honorable et profonde. Cette écoute doit permettre une prise de conscience.

Comment se transmet leur parole ?

MB : Très souvent, c’est par le biais d’un discours, de débats mais aussi de diverses créations communes. Par exemple, le 17 octobre prochain, nous allons créer ensemble une grande voile car le symbole de cette année est le bateau. Dans les villes de France, les gens vont la fabriquer avec de petits bouts de tissus.

Toux ceux qui viendront au rassemblement, les personnes en grande pauvreté comme les autres citoyen(ne)s, pourront écrire comment ils veulent s’engager pour que la misère ne fasse plus partie de la vie de notre société.

Ces différentes formes d’expressions permettent à chacun de ressortir plus riche, plus sensible. Et surtout en ayant compris les efforts quotidiens et les solutions des personnes très pauvres. C’est inspirant pour le reste de la société.

Comment est née cette journée ?

MB : Vous savez, dans les années 1950, la ville de Paris était entourée de grands bidonvilles, qui ont peu à peu été remplacés par de grands projets urbains. Par exemple, si tout le monde connaît les tours de la Défense, presque personne ne sait qu’elles ont été construites sur l’un des plus grands bidonvilles de France. Il s’appelait Nanterre la Folie. À l’est de la capitale, Marne-la-Vallée, à l’urbanisme aujourd’hui très moderne, a été bâtie sur l’immense bidonville du Château de France (à Noisy-le-Grand). Là vivaient pourtant des milliers de familles. C’est dans ce bidonville qu’est né, en 1957, le mouvement ATD Quart Monde, qui signifie Agir Tous pour la Dignité avec le surnom “quart monde”.

Photographe anonyme Vue sur la Zone vers la Porte de Clignancourt. Au loin la ville de Saint-Ouen. France, vers 1940 (Courtesy Galerie Lumière des roses).

Vue sur la Zone vers la porte de Clignancourt. Au loin, la ville de Saint-Ouen. France, vers 1940 (Photographe anonyme/Courtesy Galerie Lumière des roses)

Trente ans après la fondation de ce mouvement, beaucoup de gens ne se souvenaient plus de l’histoire de la misère qui avait marqué notre capitale. Les volontaires d’ATD se sont rendus compte que cet oubli pouvait frapper la mémoire de la République française. Ils ont demandé au président de la République de mettre au cœur de la ville, sur le parvis des droits de l’homme, au Trocadéro, une dalle en hommage aux victimes de la pauvreté.

Le 17 octobre 1987, des citoyens se sont rassemblés pour dire que la misère n’est pas une fatalité et que s’unir pour faire respecter les droits humains est un devoir sacré.

François Mitterrand, son premier ministre Jacques Chirac, ainsi que Simone Veil (présidente à l’époque de l’Assemblée nationale) ont assisté à l’inauguration. Comme eux, des milliers de citoyens sont venus pour écouter les personnes en grande pauvreté. Jamais on n’avait vu des gens, dont on dit qu’ils ne savent pas, qu’ils ne peuvent pas, s’exprimer publiquement et de façon aussi visible. Les pauvres ont pu montrer avec fierté, aux yeux de tous, qu’ils pouvaient exister devant les Hommes et pas n’importe quels Hommes, et exprimer leurs idées pour combattre leur misère.

Simone Veil devant la Dalle à l’honneur des victimes de la misère, Parvis des Libertés et des Droits de l’Homme Trocadéro, Paris. Photo issu de “refuser la misère”.

Simone Veil devant la dalle à l’honneur des victimes de la misère, parvis des Libertés et des Droits de l’homme au Trocadéro, à Paris. Photo issue de “refuser la misère”.

À l’issue de cette journée, la présidente d’ATD Quart Monde de l’époque, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et le père Joseph Wresinski, le fondateur du mouvement, ont pu présenter des projets de lois comme le RMI, qui est devenu le RSA, ou bien la couverture maladie universelle. Enfin, parmi la foule qui était là, se trouvait un diplomate péruvien qui, quelques mois après, deviendra le secrétaire général des Nations unies, Javier Pérez de Cuéllar. C’est lui qui a décrété que la journée du 17 octobre deviendrait la journée des Nations Unies pour l’éradication de la pauvreté. Finalement l’anniversaire d’ATD Quart Monde nous a été “volé” par l’ONU, mais nous en sommes très heureux.

Cette journée a donc eu un fort impact et des actions concrètes ont été menées grâce à elle…

MB : Cette journée a eu un double poids : à la fois vers les institutions et vers l’opinion. 470 écoles ont, malgré la Covid, célébré l’an dernier la Journée mondiale du refus de la misère. Des élèves ont eu l’occasion d’inviter des personnes pour venir leur parler de leur quotidien dans la pauvreté. L’une des personnes invitées était Monsieur André. Il vivait dans un bois, à côté d’un ancien bâtiment qui était un transformateur électrique abandonné. C’est à l’intérieur que ses 3 enfants et sa femme dormaient avec leur seule couverture.

Ce sont grâce à des témoignages comme celui de M. André que des changements de mentalités se produisent. Ils permettent de montrer le courage, le pouvoir d’agir des pauvres qui est trop souvent ignoré.

Lors de cette rencontre, un enfant de l’école a ainsi demandé : “Mais M. André vous faisiez quoi pendant la nuit comme vous n’aviez pas de couverture et que vous l’aviez donnée à vos enfants ?” M. André a répondu : “Et bien moi je marchais en rond autour de ce transformateur pour ne pas avoir froid.” Alors, l’enfant a dit : “Ah parce qu’un jour avec mes copains on a vu un monsieur qui dormait en plein jour et ils ont dit “regardez le monsieur il dort en plein jour, c’est un fainéant !” Maintenant je pourrai leur répondre que ce n’est pas un fainéant. C’est peut-être que pendant toute la nuit il a dû rester éveillé pour ne pas mourir de froid.”

En parlant des jeunes générations, le thème de cette année est aussi très lié à l’écologie, cause à laquelle, par son urgence, beaucoup d’enfants et d’adolescents sont sensibles.

MB : L’année dernière le thème des Nations unies était la justice sociale et environnementale. Il a en effet beaucoup mobilisé de jeunes qui se sont rassemblés le 17 octobre. Le thème de cette année, qui porte sur le pouvoir d’agir, en est un prolongement. C’est la jeunesse qui nous a inspirés. Il faut que les jeunes puissent prendre pleinement leur place dans la société et que la planète puisse trouver une issue positive dans les décisions politiques. Tout comme les personnes pauvres, qui sont d’ailleurs celles qui polluent le moins mais qui subissent le plus le changement climatique. C’est une injustice fondamentale. Il faut que l’ensemble de la société, en particulier les plus démunis, puisse reprendre le pouvoir d’agir pour que les choses changent.

Rendez-vous à Paris, sur la place du Trocadéro et dans toutes les villes de France pour célébrer cette journée avec nous !

Propos recueillis par Élodie Dubuis


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