Selon les dernières études, le niveau des Français en mathématiques est en baisse. Pourquoi cet échec ? Peut-on s’inspirer de la méthode Singapour basée sur la manipulation d’objets et d’images ? Le fait de manipuler avec ses mains joue en effet un rôle majeur dans le développement cognitif des enfants…

Qui réussit le mieux en maths ?

Les petits Français sont parmi les derniers de la classe en mathématiques. Selon l’étude TIMSS 2019[1], les élèves de CM1 se classent au dernier rang de l’Union Européenne. Et en 4e, les élèves français d’aujourd’hui sont tombés au niveau des 5e d’il y a 25 ans !

Pourquoi cet échec ? Est-ce parce que les enseignants connaissent mal les maths ? Sans doute pas, puisque ceux qui sont issus des filières scientifiques obtiennent des résultats plus mauvais que les enseignants qui ont reçu d’autres formations.

Est-ce que les élèves ne reçoivent pas assez d’heures de cours de maths ? Certains pays font beaucoup mieux avec moins d’heures que nous…

Il faut chercher la cause ailleurs. Allons voir du côté de ceux qui réussissent le mieux, c’est-à-dire les pays d’Asie du Sud-Est. En observant comment ils enseignent les mathématiques, sur quelle pédagogie sommes-nous tombés ? La méthode de Singapour.

La méthode Signapour consiste à étudier les notions mathématiques (addition, multiplication, fractions…) en profondeur jusqu’à ce que les élèves les maîtrisent complètement. C’est une méthode où tout est expliqué clairement et mis en application immédiatement. Elle passe par une approche appelée « concrète-imagée-abstraite » : les élèves manipulent des objets (cubes, jetons…), puis les objets sont remplacés par des images, et enfin ils utilisent les symboles et les chiffres. Les élèves de Singapour arrivent en tête du classement international.

A quoi sert la manipulation en mathématiques ?

A obtenir des images abstraites à partir d’images concrètes. Cette notion n’est pas nouvelle. Manipuler pour apprendre était déjà l’intuition des pédagogues Montessori ou Freinet au XXème siècle. Leurs pédagogies utilisent les sens de l’enfant et son intuition pour découvrir des lois scientifiques. Passer du concret à l’abstrait.

Et toucher un objet, c’est plus intéressant et plus amusant qu’en parler ! Cela mobilise donc plus facilement l’attention. En plus, travailler avec ses mains permet de verbaliser ce que l’on fait. L’enseignant peut plus facilement accompagner l’enfant puisqu’il voit, littéralement, sa façon d’appréhender la forme.

Bouger les mains pour apprendre à parler

Aujourd’hui, l’imagerie médicale permet d’appuyer ces intuitions. Par exemple, on s’est rendu compte que lorsqu’on bouge les mains, l’aire du cerveau concernée jouxte celle du langage, et l’active. On mobilise cette activation mutuelle pour aider des enfants qui, du fait de leur handicap, ont du mal à accéder au langage. La méthode Makaton consiste à lui enseigner un geste signifiant le mot (comme une langue des signes), pour qu’ensuite l’enfant arrive à le prononcer. Le geste ne « remplace » pas le mot, il l’encourage. Certains parents utilisent aussi la langue des signes pour communiquer avec leur bébé, avant l’âge du langage.

Développer son intelligence par les mains

Plus profondément, la manipulation développe l’ensemble des compétences du cerveau.

Lorsque l’enfant pétrit de la pâte à modeler, ou agrippe des figurines, il développe d’abord sa motricité fine, c’est-à-dire qu’il utilise certains petits muscles des doigts et des mains pour faire des mouvements précis. Sa coordination motrice, c’est-à-dire l’harmonie entre l’œil et la main, l’aidera à dessiner et écrire. Mais bien d’autres compétences sont impliquées. L’enfant qui manipule développe son sens du toucher, et se familiarise avec la notion de volume. Il s’invente des histoires qu’il choisit lui-même, et qui utilisent son imagination.

Sa créativité et son autonomie se déploient. Toutes ces compétences qui sont le support de l’intelligence sont boostées par la manipulation. Et pas dans la contrainte, mais dans le plaisir et la détente ! Quand vous voyez votre enfant jouer à quatre pattes sur la moquette au milieu de ses figurines, que fait-il ? Il grandit.

Bérengère Wallaert, chargée d’études pour VersLeHaut

[1] TIMSS (Trends in Mathematics and Science Study) est une étude comparative internationale qui, tous les 4 ans, mesure le niveau en mathématiques et en sciences des élèves de CM1 et de 4e en mathématiques et en sciences.

Pour en savoir plus

Lancé en 2015, VersLeHaut est le premier think tank français dédié aux jeunes et à l’éducation, avec pour missions de :
– Mobiliser l’ensemble du corps social (décideurs publics et société civile) sur l’enjeu clé que représente l’éducation, dans toutes ses composantes, aujourd’hui pour notre pays, afin qu’elle devienne un sujet de société prioritaire ;
– Formuler des propositions concrètes et les porter auprès des pouvoirs publics, pour bâtir un projet éducatif adapté aux enjeux du XXIème siècle, en capitalisant sur les initiatives déployées avec succès sur le terrain par des acteurs de tous horizons.