Entre les âges recommandés, les durées adaptées, thèmes abordés et l’énorme variété de films en streaming, sélectionner un film pour ses enfants peut rapidement se transformer en vrai casse-tête. Mais alors, comment s’y retrouver ? Jérémy Mourlam, responsable de la distribution au studio d’animation Folimage, partage ses conseils pour aider les parents à faire les bons choix.

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de l’implication de Folimage dans la création de programmes adaptés pour les enfants ? 

Jérémy Mourlam : Je suis Jérémy Mourlam, responsable de la distribution au studio d’animation Folimage. Mon rôle consiste à promouvoir nos films d’animation, et à rechercher des films produits par des tiers et susceptibles de rejoindre notre catalogue. Folimage produit majoritairement des films à destination des enfants (et de toute la famille). Au sein de notre ligne éditoriale exigeante, nous privilégions les points de vue d’auteurs et les univers graphiques atypiques. Avec comme objectifs principaux de divertir, c’est l’objet même d’une œuvre culturelle, et d’enrichir l’expérience de nos (jeunes) spectateurs (apprendre, éduquer, découvrir…).

Quels bénéfices peuvent avoir les films d’animation pour les enfants ?

J.M. : Je pense que le volet ludique reste primordial. L’œuvre doit divertir, procurer des émotions. Toutes sortes d’émotion d’ailleurs ! Évidemment, en pensant films d’animation, on pense naturellement aux sourires. C’est normal, il y a cette volonté de passer un bon moment. Mais par ce prisme, ça peut aussi être l’occasion d’appréhender de façon adaptée d’autres émotions comme la tristesse, la peur, la colère… Identifier ses émotions, les comprendre, faire preuve d’empathie vis-à-vis des personnages, tout cela fait aussi partie de l’expérience, et de l’apprentissage qu’on propose.

Les films d’animation, en s’éloignant de faits du réel, permettent également de développer l’imaginaire des enfants, en les aidant à comprendre des types de narration différents, en leur faisant découvrir des univers artistiques aux possibilités illimitées. On est dans le domaine du rêve, de l’imagination sans fin, grâce notamment aux techniques diverses que propose ce genre (animation 2D, 3D, papier découpé, marionnettes…).

À Folimage, nous essayons autant que possible d’accompagner nos productions sur le plan éducatif (livret pédagogique en lien avec les programmes scolaires, notamment). Comme la littérature, la peinture ou d’autres formes d’art, le cinéma d’animation est un outil puissant pour apprendre, se questionner sur le monde et la société, développer ses goûts et ses opinions. Sans jamais imposer, seulement en donnant des clés.

Quels critères prendre en compte pour sélectionner un film ?

J.M. : On pense souvent à l’âge, en premier. Ce critère est important, mais sans doute moins que le contexte de visionnage. L’enfant sera-t-il seul ou accompagné pour visionner ? L’environnement doit mettre le jeune public dans de bonnes dispositions. Sur le plan plus technique, la durée est également un critère. Loin des épisodes de série TV, le format « court métrage » est particulièrement adapté. Il s’agit de véritables œuvres cinématographiques, avec un travail d’écriture et de graphisme souvent très poussé.

Bien sûr, le thème du film est important. Il peut être en lien avec les goûts des enfants, la saisonnalité, leur lieu de vie, leurs expériences personnelles, des sujets de société tels que l’environnement ou la diversité… Le tout est de ne pas brusquer, d’aborder les sujets nouveaux de façon progressive pour que la découverte reste un plaisir et non une contrainte.

Quel genre de films privilégier ?

J.M. : Pour la plupart des enfants, l’offre d’animation qui leur est proposée provient principalement des chaînes de télévision ou plateformes « mainstream » (séries), et de façon plus occasionnelle, du cinéma (longs métrages). Ces deux formats sont incontestablement les plus populaires. La plus-value d’offres comme celle proposée par BayaM réside dans cette capacité à découvrir d’autres genres, d’autres formats plus confidentiels comme le court métrage. Voir un court métrage, c’est un peu comme aller au musée ! Et la durée se prête particulièrement aux capacités d’attention et de compréhension du jeune public. Mais un genre ne prévaut pas sur l’autre, ils sont complémentaires.

Comment savoir si un film est bien adapté à l’âge de mon enfant ? 

J.M. : Il est compliqué de dire d’un film d’animation (ou de fiction d’ailleurs) qu’il est adapté à partir d’un âge précis. La réponse est très variable d’un enfant à l’autre. Il convient donc de choisir en fonction de son expérience aux écrans, de l’accompagnement ou non lors de la diffusion, de sa sensibilité… On est tous différents : un même stimulus va générer des émotions différentes ou d’intensité variable d’un enfant à l’autre. Au-delà de la forme (durée, genre, technique artistique…), il faut également rester attentif au fond et aux messages véhiculés.

Un site comme www.filmspourenfants.net peut être d’une aide précieuse. Les membres de son équipe de rédaction rédigent des fiches extrêmement complètes qui détaillent pour chaque film (courts métrages, longs métrages ou séries) les thèmes abordés, les messages passés, les scènes difficiles ou encore le vocabulaire employé.

Y a-t-il des préconisations à suivre en termes de durée ? 

J.M. : Sur ce point également, difficile de définir des règles, tant elles pourraient varier d’un enfant à l’autre. Concernant le seul rapport aux écrans et à la durée d’exposition, la règle « 3-6-9-12 » proposée par le psychiatre Serge Tisseron est un outil intéressant (www.3-6-9-12.org) dont l’objectif est simple : protéger les enfants. Il s’agit de recommandations, on peut donc (et on doit, je dirais) se permettre d’adapter cela à chaque enfant, faire preuve de souplesse et de pédagogie en fonction du contexte (visionnage seul ou accompagné, sur un écran ou au cinéma…). Ma préconisation serait de ne rien s’interdire, mais de rester attentif aux risques physiques et psychologiques d’une exposition maladroite aux écrans.

Lire aussi : Interview de Serge Tisseron : Comment utiliser les repères 3-6-9-12 ?

Où est-ce que les parents peuvent trouver ces films ?

J.M. : Au-delà des offres « grand public » (chaînes de télévision et leur plateforme de replay, plateformes grand public et cinéma), ne pas hésiter à sortir des sentiers battus. Pour rester sur une consommation « privée » (en famille notamment), des plateformes VOD telles que BayaM sont des sources de découverte ! Avis aux amateurs de DVD et Blu-ray, les médiathèques sont généralement très bien achalandées et peuvent vous aider à trouver, via leur réseau, des raretés !

Sur quel appareil les visionner ? 

J.M. : Peu importe l’âge, à titre personnel, je ne suis pas fan des visionnages sur smartphones ou tablettes. La lumière des écrans est nocive, c’est un fait, et le corps est en général dans une mauvaise posture face à ces appareils. Il ne faut pas s’en priver, mais plutôt limiter encore un peu plus le temps d’exposition, faire des pauses, et être présent en tant qu’accompagnant.

À la maison, privilégions les grands écrans (TV, ordinateurs, voire vidéoprojecteurs), assis dans de bonnes conditions. Et peu importe l’appareil, attention aux publicités automatiques et vidéos suggérées.

À partir de quel âge peut-on emmener un enfant au cinéma ?

J.M. : Assister à une première projection au cinéma, avec ce grand écran, ce monde, ce doit être une expérience extraordinaire et réussie. Il y a ce côté immersif dans le film, et collectif avec les émotions partagées par le public. 3 ans semble un âge raisonnable, mais là aussi, attention au contexte ! Les salles indépendantes (art et essai) proposent des offres très adaptées : salles souvent plus intimistes, projection de programmes de courts métrages (durée 30 à 40 minutes environ), volume sonore adapté, coussins… et parfois même un goûter pour les petites gourmandes et les petits gourmands.

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