Ecoles, livres, matériel… le terme « Montessori » est sur toutes les lèvres. Pourtant, la connaissance de la pensée de la pédagogue italienne reste peu précise. En partenariat avec l’Institut Supérieur Maria Montessori, et avec le magazine L’enfant et la vie, nous vous présentons le premier volet d’une introduction à la vision Montessori.
Qui était Maria Montessori ?
Sans doute fallait-il à une femme née en 1870 un caractère bien trempé pour s’inscrire à la faculté de médecine de Rome et y obtenir le titre de médecin. Sa carrière débute dans un hôpital psychiatrique, qui accueille pêle-mêle enfants et adultes. Là, elle s’indigne de voir qu’aucun objet n’est mis à la disposition de ces patients pour leur permettre de développer la part d’intelligence et d’humanité qui est en eux.
Lorsqu’on lui confie la direction de l’école orthophrénique de Rome (qui prend en charge des enfants déficients mentaux), elle se tourne vers les travaux de Jean Itard (1774-1838) et Édouard Séguin (1812-1880). Ces deux médecins et pédagogues français se sont penchés sur l’éducation des « idiots ». Elle utilise le matériel pédagogique imaginé par Séguin, qui fait le pari qu’une éducation du mouvement et des sens ouvre à une éducation de la pensée.
Lorsqu’au tout début du 20e siècle, ses jeunes patients déficients présentent l’équivalent du certificat d’études et le réussissent, tout le monde crie au miracle. Maria Montessori, elle, se questionne : Comment se fait-il que les enfants « normaux » n’obtiennent pas de meilleurs résultats ? Que fait-on du potentiel des enfants ?
À Rome, dans le récent quartier San Lorenzo, les enfants de moins de 6-7 ans sont livrés à eux-mêmes. Lorsqu’on propose à Maria Montessori de s’en occuper, elle y voit l’occasion de développer sa vision de l’éducation. Elle crée la Casa dei bambini, deux pièces au rez-de-chaussée d’un immeuble qui deviennent son laboratoire.
Dans ce nom, « La maison des enfants », est déjà comprise l’idée d’un environnement adapté à la force et à la taille des enfants. Avant même le début de la Première Guerre mondiale, les bases de toute sa pensée sont posées.
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Pour le progrès de l’humanité
Parler de « méthode » ou de « pédagogie » pour qualifier le travail de Maria Montessori est réducteur tant il a une dimension spirituelle : pour elle, la finalité de l’éducation, c’est la paix. Elle pense l’éducation au-delà du seul individu, au-delà de l’école.
Son célèbre « Aide-moi à faire moi-même » est à compléter une fois l’enfant grandi : « pour pouvoir faire avec et pour les autres ».
L’enfant est vu comme espoir et promesse pour le progrès de l’humanité. L’enjeu est donc de construire un individu adapté à son temps et à son espace, qui soit porteur de transformation. Si elle s’est d’abord consacrée à l’éducation des enfants d’âge préscolaire, Maria Montessori déploiera ensuite sa vision pour trois autres « plans de développement » : les 6-12 ans, les adolescents et les jeunes adultes (18-24 ans).
Variations sur la célèbre formule…
- 0-3 ans : Aide-moi à être
- 3-6 ans : Aide-moi à faire moi-même
- 6-12 ans : Aide-moi à penser par moi-même
- Adolescence : Aide-moi à être avec les autres
- Jeune adulte : Aide-moi à être, faire, penser par moi-même, avec et pour les autres.
Fournir un terreau optimal
De ses études complémentaires de biologie, de botanique et de zoologie, Maria Montessori retire l’idée qu’un être vivant ne se développe correctement que s’il trouve dans son environnement ce qui est nécessaire aux caractéristiques de son espèce. L’environnement, donc, peut favoriser ou entraver l’élan vital de l’enfant.
Pour faire court, l’enfant se construit à travers l’expérience active qu’il mène dans l’environnement, et non parce que l’adulte veut qu’il se construise. Personne ne peut enseigner à marcher à un bébé ! Le dresser sur ses jambes en lui tenant les mains est sans effet. L’adulte ne peut que préparer un environnement sécurisé dans lequel, peu à peu, le bébé acquerra le mouvement bipédique.
Pour tous les autres apprentissages, y compris la lecture, l’écriture et le calcul, la dynamique est identique. Il s’agit de mettre à la disposition de l’enfant les objets adéquats qui lui permettront de développer une activité autonome. Maria Montessori va s’employer à optimiser cet environnement en concevant du matériel qu’elle appelle « aide au développement » et en décrivant la posture que doit adopter l’éducateur.
Cet environnement « préparé » est spatial, matériel, humain, et peut-être avant tout temporel.
Le privilège majeur des lieux d’éducation Montessori, c’est de ménager du temps pour les activités autonomes : deux heures et demie minimum. Offrir à l’enfant le temps d’aller au bout de ce qu’il fait, sans l’interrompre, sans lui montrer comment faire pour y arriver plus vite, le laisser répéter ses gestes… Une attitude que l’adulte, dans une société pressée, peut avoir du mal à tenir.
Pourtant, c’est dans le processus que l’enfant se construit, bien plus que dans le résultat. L’erreur, le tâtonnement, la répétition sont constitutifs de la réussite. Car, en plus de l’objectif factuel (ouvrir et fermer des boîtes différentes, par exemple), l’activité sert surtout la construction intérieure : accroître confiance en soi, estime de soi, volonté, indépendance et concentration.
L’activité sert surtout la construction intérieure : accroître confiance en soi, estime de soi, volonté, indépendance et concentration.
Et à la maison ?
Dans une vie de famille chronométrée, difficile de ménager autant de temps pour les activités autonomes que dans un lieu d’éducation Montessori. Avant le départ à l’école, laisser le petit dernier enlever et remettre sa chaussette vingt fois d’affilée ? Impossible ! Mais caler de temps à autre le rythme de l’adulte sur celui de l’enfant, c’est précieux. Ainsi, lors d’une promenade, plutôt que de se focaliser sur la destination, on peut se choisir le même but que l’enfant, à savoir le chemin lui-même : chaque caillou, chaque fourmi, chaque brin d’herbe…
Prendre le temps, c’est aussi observer son enfant avec attention et repérer ainsi les activités vers lesquelles il se tourne spontanément : ses besoins le guident et nous guident. Cela vaut pour le jeune enfant comme pour les plus grands.
Isabelle Séchaud, directrice pédagogique de l’ISMM-Lyon
Anne Bideault, rédactrice en chef de L’enfant et la vie
Crédits photo principale : Apprends-moi à faire seul, de Charlotte Poussin (Editions Eyrolles, 2016)
Pour aller plus loin
Maria Montessori, L’Enfant, Desclée de Brouwer, 1936, réédition : ce texte, organisé en courts chapitres, et écrit à la première personne, présente le premier des cycles de développement : de 0 à 6 ans. Il constitue une bonne introduction au travail de Maria Montessori.
Edwing Mortimer Standing, Maria Montessori, sa vie, son œuvre, Desclée de Brouwer, 1952.
Charlotte Poussin, Apprends-moi à faire seul, la pédagogie Montessori expliquée aux parents, Eyrolles 2016
Mario Montessori, Comprendre Montessori, DDB, 2018
Association Montessori de France : AMF.
L’enfant et la vie est un magazine trimestriel indépendant fondé en 1969 par Jeannette Toulemonde pour faire découvrir aux parents français le travail de Maria Montessori. Il propose des pistes et des ressources pour mieux comprendre l’enfant et l’accompagner sur son chemin, à toutes les étapes de sa vie.
Retrouvez dans Bayam « Mes ateliers Montessori », une série d’activités inspirées de Montessori, à réaliser à la maison.
Cette série est proposée et réalisée par Charlotte Poussin, éducatrice Montessori AMI et auteure d’ouvrages de référence sur le sujet, pour adultes et pour enfants, notamment les collections d’albums chez Bayard Ma journée Montessori (dès 18 mois) et Mes amis Montessori (3-6 ans)