Les ouvrages documentaires jouent un rôle important dans l’éveil des enfants. Ils ont le pouvoir d’influencer leur façon de voir le monde et le rôle de chacun(e) dans la société, avec le risque de reproduire certains stéréotypes et inégalités de genre. Qu’en est-il dans l’édition jeunesse ?
Cécile Petit, éditrice aux éditions Milan, nous livre une réflexion sur les représentations féminines et masculines dans les livres documentaires des éditeurs jeunesse.
À l’école, conjuguer les sciences au féminin ?
Les filles, pourtant plus diplômées que les garçons, sont sous-représentées dans les filières scientifiques et techniques. Mais pour quelles raisons ? En 2018, une étude de l’Éducation nationale révèle la présence de stéréotypes à l’école sur les métiers scientifiques. Elle montre aussi que les filles se sentent moins performantes que les garçons dans ces matières. Elles ont tendance à dévaluer leurs compétences. Ce serait surtout le goût des sciences et la confiance des étudiants envers eux-mêmes qui expliqueraient une telle différence.
Cependant, le goût naît aussi de ce que l’on propose. Il faudrait permettre davantage aux petites filles de s’identifier à des scientifiques ou de s’imaginer comme tel.
Le gouvernement prend des mesures pour l’égalité des genres
À l’Assemblée nationale, le rapport d’information intitulé Les femmes et les sciences recommande notamment de :
- N°6 : “Créer un observatoire indépendant des stéréotypes de sexe dans les manuels, chargé d’évaluer la présence des stéréotypes de sexe dans les manuels scolaires, observatoire qui pourrait le cas échéant délivrer des avertissements.”
- N°10 : “Mettre en lumière les métiers de la technologie et de l’innovation à travers par exemple une série télévisée mettant en scène des femmes ingénieures et techniciennes héroïnes.”
De plus, en 2019, le gouvernement a fait signer une charte pour une représentation mixte des jouets aux fabricants. De là découle la création du label Sciences, Technologies, Ingénierie, Maths (STIM). Il a pour but de “promouvoir de manière large les jeux scientifiques. Ce label pourrait être repris par les marques dans leur communication et au travers de leurs produits.”
Les personnages masculins font-ils vendre plus de livres ?
C’est ce que les éditeurs ont longtemps pensé. Les garçons ne pouvaient se reconnaître que dans les personnages masculins, tandis que les filles avaient un pouvoir de transposition sans faille. Les personnages féminins sont donc restés longtemps moins nombreux et liés à des rôles subalternes, alors que les personnages masculins tenaient les rôles principaux.
Aujourd’hui, la proposition la plus courante est d’alterner les représentations ou de proposer une représentation double avec une fille et un garçon sur la couverture.
De nouveaux livres centrés sur les femmes
Pour contrebalancer l’omniprésence des hommes, une littérature centrée sur les femmes s’est beaucoup développée depuis quelques années. Un livre, en particulier, a mis en avant ce sujet tant attendu : Histoire du soir pour filles rebelles (éditions Les Arènes), vendu à 500 000 exemplaires.
D’autres ouvrages ont le même but, comme Les inventrices et leurs inventions, publié en 2019 aux éditions des Éléphants ou Les Reines de France chez Casterman, avec pour sous-titre “Parce que l’histoire de France s’écrit aussi au féminin” !
Chez Milan, le P’tit doc – Les footballeuses, paru pour la Coupe du monde de football féminin, s’intéresse à l’évolution du foot féminin. Il donne aussi des clés aux jeunes filles pour découvrir ce sport. Il y a du progrès car, en 2008, les filles étaient moins représentées que les garçons dans Le Football.
Un progrès dans le parti pris des éditeurs
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De nouvelles représentations des pères
La façon dont on imagine une couverture n’est pas neutre. Elle reflète la société telle qu’on la voit ou telle qu’on voudrait qu’elle soit. En faisant attention à l’image que l’on renvoie des filles, on peut oublier de faire ce même travail sur les garçons et les personnages en arrière-plan.
Ainsi, si l’on veut que les choses changent et que les femmes soient quelque peu allégées de la fameuse “charge mentale”, il est important de montrer de nouvelles représentations des pères.
Chez Milan, la collection “Mes P’tits pourquoi” donne au père le rôle d’accompagnateur de son enfant. C’est le cas du titre Pipi au lit, où le papa se lève pour aider son enfant à se changer. De même, dans la collection “Je grandis avec Milan”, c’est encore un papa qui lit l’histoire à sa fille dans Je vais au dodo. Le soin de l’enfant n’est pas réservé aux mères.
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Les personnages féminins mieux représentés dans les ouvrages scientifiques
De nos jours, la majorité des ouvrages de sciences présentent des couvertures sans personnages avec un élément central. S’il y a des personnages, les scènes mettent sur le même plan des filles et des garçons.
Sur la couverture du Grand livre animé des Sciences, les auteurs ont tenu à montrer que la science était autant un sujet pour les garçons que pour les filles.
On remarque aussi que les personnalités scientifiques les plus choisies sur les couvertures sont Marie Curie et Albert Einstein. Il faut rester vigilant dans les ouvrages présentant les grands personnages. Certains automatismes perdurent avec une tendance à ne représenter que des hommes.
Les livres documentaires d’histoire mettent souvent en valeur des hommes tels que Napoléon ou Louis XVI. Malgré une Histoire écrite par des hommes, on voit quelquefois une femme en couverture, mais dans la majorité des cas, c’est une allégorie, comme La liberté guidant le peuple.
Dans le P’tit doc Histoire – L’histoire de France, une jeune fille portant un sweat à l’effigie de l’Europe et une autre revendiquant les droits des femmes sont en tête de cortège !
Au-delà des questions de genre
Si la présence des filles sur les couvertures documentaires demeure une question essentielle, ce sont les stéréotypes sexués, sociaux et aussi liés à la diversité qu’il faut détecter et contrer. Il reste des progrès à faire du côté de la représentation des personnes âgées (trop souvent montrées avec des cheveux blancs permanentés ou des casquettes), des personnages noirs, catégorisés dans certains métiers (ex : animateur en musique), et des familles monoparentales, rarement mises en scène.
C’est donc l’image de l’ensemble de la société qui doit être revue selon les prismes des stéréotypes. Le livre documentaire jeunesse pourra ainsi mieux s’accorder avec l’évolution de la société. L’objectif est de permettre à tous de pouvoir s’identifier aux personnages, quel que soit son sexe, son origine ou son niveau social.
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Chouette, pas chouette ! Une série qui déconstruit les stéréotypes sexistes dès la maternelle
Synthèse d’Élodie Dubuis, d’après un article de Cécile Petit
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