Marie-Josèphe Rancon est orthophoniste. Depuis plus de 25 ans, elle intervient auprès de plusieurs rédactions de presse jeunesse pour s’assurer de la lisibilité des textes pour les jeunes lecteurs. L’équipe de Bayam l’a consultée lors de la conception du jeu interactif La machine toc-toc.
Qu’est-ce qui vous a séduite dans ce projet ?
Comme dans l’album L’imagier toc-toc, d’Édouard Manceau, La machine toc-toc est un atelier interactif qui propose aux enfants de s’amuser avec les mots. Jouer et sourire avec les mots, les apprivoiser sous forme ludique, est très important. C’est un moyen pour en être familier et les prendre au sérieux lors de l’entrée officielle dans l’écrit. Même si le principe n’est pas le même, on est dans l’esprit du Prince de Motordu, des devinettes de Youpi, de la trahison des images de René Magritte.
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Vous êtes orthophoniste. Quel a été votre apport sur cette Machine toc-toc ?
Comme toujours, je me suis positionnée du côté de l’enfant : que se passe-t-il dans sa tête quand il voit la machine, de quelle manière il construit ses évocations mentales, comment il vit la déstabilisation apportée par le décalage entre l’image et le mot ? J’ai décortiqué tout ce processus pour l’équipe, pour qu’on s’assure tous de la lisibilité de l’objet numérique.
Les concepteurs ont adaptés certains éléments : l’aspect de la machine, le choix des séquences, le rythme, les réactions (rires, onomatopées, expressions…). Un exemple parmi d’autres : au départ, deux vaches se transformaient en trois glaces. En termes d’initiation aux mathématiques, le compte n’y était pas ! Et par ailleurs, il y avait dans cette occurrence deux clés de transformation, le nombre et la nature. C’est beaucoup !
Un jeu digital, ça n’est pas un album…
La grande difficulté du matériel numérique, c’est que l’enfant est souvent seul devant. Alors que face à l’album, il y a toujours un adulte accompagnant. Comment pallier cette absence ? Sans accompagnant, jusqu’où peut-on aller dans l’absurde du résultat donné par la machine ? Comment maintenir de l’humain et préserver la réalité de l’enfant ? Ça a été tout un travail.
Dans la partie “phrases” du jeu, un algorithme procède au mélange des mots. L’absurde qui en résulte peut être amusant, mais il peut aussi être effrayant. Que penser d’une phrase comme “Avec mamie, je découpe un papillon” ? Nous avons analysé toutes ces solutions aléatoires, et décidé d’en empêcher certaines.
Le rythme de cette machine est plus lent que celui des jeux numériques habituels…
Nous avons réfléchi au temps à laisser à l’enfant pour qu’il évoque d’abord mentalement le nom exact de l’objet. Si ça va trop vite, cette évocation mentale ne peut se faire. Alors, à l’annonce du mot toc-toc, pas de déstabilisation, pas de réaction d’humour, l’effet est raté ! L’enfant risque vite de se déconcentrer, de se désintéresser, d’être privé de ce moment de rire partagé avec l’adulte ou avec ses pairs. Ce travail de l’évocation mentale est le point fort de ce jeu.
Sous couvert d’absurde et de rire, on travaille sur la valeur du mot exact.
Dans la famille, dans la classe, tout le monde va se mettre en attention, se concentrer : que va-t-il se passer ? Sous couvert d’absurde et de rire, on travaille aussi sur la valeur du mot exact. Cette invitation à la créativité peut se prolonger à l’oral. L’enfant aura vite envie d’en faire un jeu partagé avec ceux, grands ou petits, qui l’entourent. Travailler sur le non-sens, c’est toujours travailler en même temps sur le sens et expérimenter en quoi cela peut être source de bien-être.
Anne Bideault
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