Charades, rébus, devinettes… Il y a un âge où jouer avec les mots passionne les enfants, qui sollicitent parents ou grand-parents pour rire à leurs blagues balbutiantes. Derrière cet humour naissant se cachent de vraies compétences.
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Le plaisir du jeu
Lorsqu’un tout-petit entre dans le langage, phrases et mots sont comme un flot pour lui. Il ne détache pas encore les mots les uns des autres, ni les syllabes. La proximité sonore de certains mots – « je suis en colère, je suis en polaire », « j’attrape le ver de terre, je bois un verre » – le surprend et l’amuse. C’est aussi le signe qu’il est désormais capable de prendre de la distance par rapport à la langue : si je change de mot, je change le sens de la phrase. Une porte d’entrée vers l’humour et le détournement des mots qui explique son attrait pour les devinettes, les blagues et les charades… qui mettent parfois la patience de l’entourage adulte à rude épreuve !
La langue jubilatoire
« On a souvent l’idée reçue qu’il faut adapter notre langue pour que l’enfant nous comprenne, constate l’orthophoniste Florence Leredde. Trop souvent, on le fait à l’excès ! Or, le niveau de compréhension d’un enfant est supérieur à son niveau d’expression. » Bref, si la syntaxe reste simple, autant préciser et enrichir le vocabulaire. C’est ce que font avec talent certains auteurs jeunesse, entraînant avec eux les enfants dans la jubilation de la langue et dans la richesse des registres langagiers. Ainsi, la sorcière Cornebidouille ne mâche pas ses mots. Mais le petit Pierre lui tient tête en une escalade de qualificatifs dont se délecteront les écoliers de maternelle.
Porte d’entrée dans la pensée
Les jeux de langage sont aussi un moyen de se décoller de la réalité. Dans son cabinet, Florence Leredde provoque parfois les enfants, en utilisant un mot pour un autre. « Tiens, regarde cet avion ! », dit-elle à son patient en lui tendant un stylo. Certains rentrent dans le jeu immédiatement : le stylo décolle et s’envole, brrrrr, fait un looping puis atterri sur le bureau. D’autres sont très décontenancés : le stylo est un stylo, et c’est tout. L’orthophoniste travaille alors sur la construction de la pensée symbolique, à savoir la capacité à se représenter quelque chose qui n’est pas là. Cela va bien au-delà de cet objet détourné, bien sûr : la projection dans le passé ou le futur, le langage des mathématiques, l’utilisation de toute forme de code, l’implicite d’un texte littéraire…
Des mots sonores, des mots encore…
À court d’idées pour jouer avec les mots ? Que ce soit Youpi avec Les Super Devinettes, J’aime Lire avec les blagues de Bonnemine ou Astrapi et ses TrucsAstuces, les magazines pour les enfants leur font depuis toujours la part belle. L’appli Bayam prolonge ces charades, ces rébus et ces devinettes en y associant le son, l’image animée et l’interaction. Pour Florence Leredde, « utilisés avec parcimonie, les contenus numériques peuvent être des supports de langage intéressants, si l’on veille à ce que l’enfant ne soit pas seul devant, mais qu’il échange avec le parent ou le grand-parent sur ce qu’il entend ou ce qu’il voit. » Une fois la tablette éteinte, prolongez ensemble jeux et devinettes : « En Amérique, il y a des serpents à sonnette ou à sornette ? »
Anne Bideault