Historienne de formation, journaliste par passion, Mélissa Conté est la rédactrice en chef du magazine « Curionautes des sciences » chez Milan Presse. Elle revient sur l’originalité, les défis et le succès de ce magazine et de ces vidéos qui rendent la science accessible aux enfants dès 8 ans.
Pourriez-vous présenter le magazine Les Curionautes ?
« Curionautes des sciences » est un magazine documentaire scientifique mensuel édité par Milan presse. Il s’adresse aux enfants de 8-12 ans.
A l’origine du projet, il y avait la volonté de créer un magazine qui rende la science accessible aux enfants. On voulait dépasser le clivage littéraire/scientifique qui a encore cours aujourd’hui.
Montrer que dès qu’on pose une question et qu’on essaie d’y répondre avec une certaine méthode – la démarche scientifique – on fait de la science.
Et comme tous les enfants posent beaucoup de questions, ils sont donc tous des scientifiques en herbe !
Enfin, nous avions une forte volonté de « casser » les clichés de genre et de montrer que la science est accessible autant aux filles qu’aux garçons.
En quoi est-il original par rapport à la concurrence ?
L’originalité de « Curionautes des sciences » réside sans conteste dans son grand « récit-docu », une rubrique de 16 pages qui a pour ambition d’initier les lecteurs à la démarche scientifique. On part toujours d’une question envoyée à la rédaction par les lecteurs.
Curio et la bande des Curionautes vont essayer d’y répondre via un récit écrit à la première personne (c’est Curio qui parle), avec l’aide d’un·e expert·e du sujet qui les guide sur le chemin de la connaissance (et qui valide donc le contenu scientifique du récit). Des photos, des schémas et des illustrations humoristiques ponctuent le récit.
On est donc à la fois sur une grande exigence de contenu et un traitement ludique, avec beaucoup d’humour.
Le lecteur s’identifie fortement aux personnages et peut avancer lui-même peu à peu dans le raisonnement développé. C’est tout le contraire des magazines où l’on empile les connaissances dans des textes très denses et où on transmet le savoir de façon très descendante. Les Curionautes émettent des idées préconçues au départ, posent des questions naïves, mais comprennent à la fin « l’essentiel ».
Autre originalité de « Curionautes », une carte mentale à détacher, sous forme de poster, synthétise les informations vues dans le récit de façon ludique et visuelle. Une enquête nous a montré que les lecteurs aimaient l’afficher dans leur chambre, et c’est évidemment un outil très intéressant pour la classe.
Lire aussi : Retrouvez l’univers du magazine Curionautes des sciences sur BayaM
Comment vous est venue l’idée de créer la mascotte Curio ainsi que 6 personnages différents dont Noura, Indiana et Charlie, 3 filles comme héroïnes ?
Nous avons eu envie dès le départ de raconter les sciences, d’en faire un récit, soutenu par des héros récurrents qui ont chacun leur personnalité.
Il y a 3 filles et 2 garçons, l’idée étant de montrer des filles qui s’intéressent aux sciences autant que les garçons. Curio est leur compagnon, ses origines et sa nature sont un peu mystérieuses. Ce qui est sûr, c’est que quand il pose une question, il faut lui répondre vite et bien, sinon il met le bazar et fait des cristaux-crottes partout 🙂
Curio incarne l’enfant candide, très curieux, qui pose beaucoup de questions sur le monde qui l’entoure. Il fait aussi pas mal de bêtises. Ces caractéristiques font de lui un héros qui a tout de suite été très apprécié par les lecteurs, qui l’adorent et nous envoient chaque mois de nombreux dessins pour en témoigner !
Sachant que lire n’est pas toujours une partie de plaisir pour les enfants, comment arrivez-vous à intéresser vos lecteurs chaque mois ?
C’était en effet un défi de proposer un récit documentaire aussi long, à l’heure où l’on dit que les enfants n’ont pas plus de quelques minutes d’attention. Mais les enfants nous ont fait gagner notre pari, Curionautes ayant rencontré tout de suite un grand succès !
Les sujets des récits-docus sont proposés par les enfants eux-mêmes, ce qui garantit en quelque sorte qu’une bonne partie d’entre eux vont s’y intéresser !
On croise aussi avec les programmes scolaires, afin que les enfants retrouvent des sujets qu’ils ont étudié à l’école.
Nous travaillons beaucoup sur l’écriture des récits, afin qu’ils soient plaisants à lire tout en restant justes scientifiquement. Le visuel (photos, schémas documentaires) est aussi choisi avec soin.
Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec Sébastien Spagnolo, le dessinateur des Curionautes, qui leur donne vie et leur permet de « délirer » au fil des récits y compris avec des passages en cases BD !
Je pense que c’est cette incarnation réussie des héros qui fait qu’on arrive à emmener les enfants dans ces récits. Les émotions exprimées par les personnages renforcent l’identification. Même les jeunes lecteurs rentrent facilement dans le récit par l’humour des personnages et leurs aventures.
Mais aussi le fait qu’on arrive à bien « jouer » avec leur curiosité naturelle pour tout un tas de sujets (la formation de la Terre, les Gaulois, les châteaux-forts, les pyramides, le langage des animaux, les robots, les ordinateurs, les plantes, les volcans, le Soleil…).
Quel usage peut-on faire des Curionautes en classe ?
L’enseignant·e peut dans un premier temps proposer la lecture du magazine en fond de classe : c’est à la fois un moment de découverte pour les élèves et un prolongement des notions abordées en classe. Le magazine répond à des notions-clés du programme du cycle 3 en sciences : situer la Terre dans le système solaire, comprendre et expliquer l’évolution des organismes vivants, décrire le fonctionnement d’objets techniques, identifier des enjeux liés à l’environnement…
Il y a un découpage par chapitres avec une progression, et une vraie complémentarité entre le texte et l’image. L’enfant peut le lire petit à petit, à son rythme. La structure narrative répétitive offre un côté rassurant dans les démarches de lecture autonome.
Le magazine « Curionautes » est aussi un support pour l’éducation aux sciences, qui est un véritable enjeu de citoyenneté à l’heure où les fausses nouvelles et les fake sciences pullulent sur Internet. Il accompagne les élèves dans la compréhension de la démarche scientifique faite de questionnements, d’hypothèses et d’expérimentations, et forme leur esprit critique.
Tous les mois, une nouvelle fiche pédagogique à l’attention des enseignants de cycle 3 est disponible sur le site curionautes.com. Imaginées et conçues par des conseillers pédagogiques, ces fiches invitent les élèves à porter différents regards sur la science et à développer leur esprit de synthèse pour construire des cartes mentales.
Nous accueillons dans Bayam les vidéos produites en complément du magazine. Comment se déroule la réalisation de ces récits documentaires animés ?
Les 10 questions sont choisies en début d’année lors d’une conférence de rédaction entre l’équipe des Curionautes et l’équipe du studio numérique.
Nous sélectionnons des sujets scientifiques pour lesquels l’animation et le son apportent un réel intérêt dans les explications. Il est plus facile et plus amusant, par exemple, de comprendre le principe de la poussée d’Archimède en regardant une démonstration en vidéo plutôt qu’en lisant un texte.
Chaque mois ensuite, une cheffe de rubrique du studio numérique écrit les textes et le scénario de la vidéo (mise en image, voix des personnages, animations, sons, etc.). Il est ensuite dessiné et animé par Rémy Nardoux avec les voix de Lucile Barbier, la comédienne qui incarne Noura et Curio, enregistrées au studio Elixir à Toulouse. La vidéo est ensuite montée par notre cheffe de rubrique technique et sonorisée par Blue Neko. La vidéo est prête pour publication !
Selon vous, comment donner envie aux filles de faire des métiers scientifiques ?
Je pense que donner des modèles est crucial pour cela.
C’est ce que nous essayons de faire dans « Curionautes des sciences » avec nos 3 héroïnes Charlie, Indiana et Noura. Mais aussi en veillant à faire appel à des expertes autant qu’à des experts sur les différents sujets des récits docu.
Nous allons même jusqu’à faire exprès de choisir des femmes expertes sur des sujets où un expert masculin serait plus facile à trouver, afin de bien les montrer en exemple (d’autant que l’expert-e a quelques lignes à la fin du récit pour mettre en valeur son parcours).
Propos recueillis par Julie Lauranson
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