Les frères Édouard et Antoine Manceau sont artistes tous les deux. Le premier, Édouard, est auteur et illustrateur. Le second, Antoine, est musicien et clown. Ils ont uni leurs talents pour imaginer La machine toc-toc, un jeu digital pour s’amuser avec les phrases et les mots, et qui prolonge l’univers joyeusement absurde de l’Imagier toc-toc.  

Travaillez-vous souvent en duo ?

Édouard : C’est la première fois ! Ce confinement m’a été profitable, j’ai pu me poser, mettre à plat plein de choses, réfléchir à ce que j’avais envie de faire. Antoine fait du spectacle vivant, et moi aussi, à ma manière, puisque j’interviens beaucoup dans les classes, et très souvent, les enfants me disent : “T’es drôle, t’es un clown !

Et puis, nous avons tous les deux en mémoire une blague que nous faisait très souvent notre père. Quand un avion passait dans le ciel, il disait : “Regarde, un vélo !” Alors c’était le moment de nous retrouver autour de La machine toc-toc. Un jeu façon bandit manchot, comme j’aurais aimé en trouver, gamin, à la petite fête foraine de mon village. On appuie, et ça fait des phrases absurdes !

Vous, Antoine, vous vous êtes occupé du son…

Antoine : Oui ! Édouard m’a chargé de la partie sonore. J’ai choisi de travailler avec des sons bruts, bricolés, pour ramener du réalisme. Concrètement, j’ai pris un vieux vélo, je l’ai retourné, j’ai placé un micro, et j’ai enregistré tous les sons possibles : le pédalier, les dents qui tournent, les grincements… Cela donne cette ambiance de vieille machine.

Édouard : Et en plus, que l’instrument de musique soit un vélo, c’est bien dans l’esprit toc-toc. Si j’avais demandé à un sound designer de créer la bande-son du jeu, il aurait utilisé un synthétiseur… Pourquoi pas, mais là, je crois que la banque de sons créée par Antoine arrondit les choses. Et je vous mets au défi de deviner qu’il s’agit d’un vélo !

Comment pensez-vous que les enfants vont s’emparer de ce jeu numérique ?

Édouard : J’ai beaucoup lu Limagier toc-toc dans les classes, l’album au point de départ de ce développement numérique. Les enfants rient beaucoup ! On rejoint le clown, d’ailleurs. Je pense qu’ils vont vraiment se marrer, ils sont très friands du running gag. Cette machine est très simple, elle n’a pas beaucoup de fonctions, et je défends ce minimalisme, cette simplicité, même si ça déroute souvent les adultes.

Je les imagine bien, dans une classe de maternelle, y jouer à deux ou trois. Et rire !

La grosse différence du numérique, par rapport à l’album papier, c’est l’autonomie. L’enfant – qui ne sait pas lire – est autonome grâce au son. Alors que ce qui me plaisait, avec l’album, c’est que le parent, l’adulte, devient clown en lisant à voix haute : il lit “une saucisse”, alors que c’est une voiture qui figure sur la page. Là, le fait que l’enfant puisse être seul est différent. J’aimerais voir des enfants s’en servir ! Je les imagine bien, dans une classe de maternelle, y jouer à deux ou trois. Et rire !

L’humour, dans votre travail, est important ?

Édouard : On n’a jamais eu autant besoin de s’amuser qu’en ce moment ! Je reviens d’une tournée dans des classes de maternelle… les enfants ont ri, très fort, et ça fait un bien fou !

Antoine : Ça rejoint l’histoire du clown qui, sans public, n’a pas de sens, il n’existe que dans le regard de l’autre. Et puis l’humour des enfants n’est pas celui des adultes.

Édouard : Le gag sur lequel sont construits l’imagier et La machine toc-toc permet presque de mesurer la part d’enfance des adultes. Certains n’y voient aucun sens et trouvent ça complètement stupide. Or, ce gag est une fabrique d’images mentales. Les enfants voient le crocodile, s’en fabriquent une image dans leur tête. Puis ils entendent “une trompette”. C’est une vraie gymnastique !

Dans les classes, quand je lis l’album une deuxième fois, je vois dans leurs yeux qu’ils voient à la fois le crocodile et la trompette. Ces choses peuvent avoir l’air gratuites mais elles apportent beaucoup aux enfants, y compris à ceux qui sont considérés comme “en difficulté scolaire”.

Anne Bideault


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