©Tu mourras moins bête par Marion Montaigne.
Les sciences peuvent sembler peu faciles d’accès et intimider certains enfants. La dessinatrice Marion Montaigne, passionnée par l’univers scientifique et animée d’une curiosité éclectique, met son humour et son trait au service de la vulgarisation du savoir.
Votre ambition, dans vos BD comme dans les séries animées qui en découlent, c’est de donner le goût de la science… Comment est né ce désir ?
Notre cursus scolaire a fait de la science un truc noble, d’excellence, réservé aux meilleurs. Prenez les maths : c’est la matière pour les gens intelligents. Si vous êtes bon en maths, c’est top. Si vous êtes bon en dessin — au hasard —, tout le monde s’en fiche ! Les sciences sont trop souvent une matière excluante, et très vite, un enfant ou un ado qui aime ça mais qui a du mal, va penser qu’il n’a pas le niveau, pas le bagage pour comprendre. Or, la science est partout, ça embrasse le monde entier, c’est un domaine d’émerveillement infini et je trouve injuste d’en être exclu ! Ça a été mon cas : j’ai eu l’impression qu’on me disait que j’étais trop idiote pour faire un cursus scientifique. Je le regrette ! On peut voir mes BD comme une revanche personnelle, et d’ailleurs, on retrouve souvent les mots « idiot » ou « bête » dans leurs titres.
La science est partout, ça embrasse le monde entier, c’est un domaine d’émerveillement infini et je trouve injuste d’en être exclu !
Sous des dehors comiques, votre travail est très documenté…
Il n’y a pas si longtemps, les chercheurs ne souhaitaient pas vulgariser leur savoir, argant que simplifier, c’est mentir. Il est certain que nous avons derrière nous des millénaires de science, et que le savoir s’est accumulé : les chercheurs ont engrangé un bagage immense. Mais on peut avoir accès à la science sans cela : le but, c’est d’abord de donner le goût de la curiosité, d’ouvrir le champ de connaissance des gens. Les détails viendront plus tard. J’aime aller chercher des infos, je fais une véritable enquête sur le sujet choisi. Je suis capable de passer trois mois à comprendre ce qu’il se passe dans une centrale nucléaire. C’est très technique, très complexe, mais je suis têtue et persévérante. Ça me stimule cérébralement, j’aime dénicher une information, la comprendre… La science, c’est un peu la vérité : les choses sont comme elles sont, personne ne l’a décidé, cela s’impose.
Le but, c’est d’abord de donner le goût de la curiosité, d’ouvrir le champ de connaissance des gens.
Sur mon blog, qui a été le point de départ de « Tu mourras moins bête », je donne toutes mes sources, j’explique sur quelles études je me suis basée : les bibliographies sont de plus en plus longues ! Il m’arrive aussi d’aller dans des laboratoires, observer et rencontrer des chercheurs, mais leurs champs de recherche sont généralement tellement précis et découpé que c’est difficile à rendre par le dessin. Et j’aime passer d’un sujet à l’autre, j’aime me poser des questions dans plein de domaines différents.
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L’humour est un ressort essentiel dans votre travail. Pourquoi ?
J’aime bien aller chercher les coulisses et elles ne sont pas toujours glorieuses… Dès que ça touche au corps humain, par exemple, il vaut mieux que ce soit drôle ! La nature est assez cruelle, en fait, alors je choisis d’en rire. Et puis l’humour me permet d’être didactique sans adopter un ton donneur de leçon – que je déteste ! Je refuse vraiment de prendre le statut de celui qui sait. Au contraire, je cherche à descendre les chercheurs de leur piédestal. Le ton humoristique va avec le projet : l’information donnée est exacte, mais on va prendre le plaisir d’en rire. Le dessin me permet de rendre acceptable et palpable quelque chose d’abstrait, et le comique de faire passer le sérieux par l’absurde.
« Avec ça, c’est sûr, vous mourrez moins bête. Mais bon, vous mourrez quand-même ! »
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Propos recueillis par Anne Bideault
Retrouvez dans l’appli Bayam une compilation de 10 épisodes de la série Tu mourras moins bête (saison 1) dans l’espace 7-10 ans (du 8/01 au 04/02/20).