Les vacances d’été sont l’occasion de ralentir, de se ressourcer et de se reconnecter autrement : en famille, au grand air, autour de jeux et de découvertes. Mais que faire des écrans dans tout ça ? Doit-on complètement couper, ou au contraire mieux cadrer ? Le psychiatre et docteur en psychologie Serge Tisseron, spécialiste des usages numériques, nous livre 5 conseils pour gérer les écrans sans culpabilité, mais avec bon sens.

1. Profiter des vacances pour poser un cadre sur la gestion des écrans

Selon Serge Tisseron, les vacances représentent une occasion en or pour établir des règles autour des écrans. Pas de miracle cependant : « Il est impossible d’éviter les crises quand on est parent », prévient-il. L’enjeu n’est donc pas de supprimer toute frustration, mais de créer un cadre collectif dans lequel l’enfant apprend à vivre avec des règles.

Cela passe par des temps d’écran fixés en amont – par exemple, entre 18h et 19h – de la même manière qu’on mange à heure fixe. Cette cohérence donne du sens à la régulation. Pendant les vacances, les alternatives sont nombreuses : activités de plein air, jeux de société, découvertes culturelles… autant d’occasions de faire oublier les écrans naturellement. « Les gratifications apportées par l’environnement sont tellement plus riches que les écrans s’effacent d’eux-mêmes », insiste le psychiatre.

Mais les vacances ne se vivent pas de la même façon pour tout le monde. Certaines familles partent à la mer, à la montagne ou chez les grands-parents… mais beaucoup restent simplement chez elles, faute de moyens. Une réalité que connaît bien le psychiatre Serge Tisseron : « Dans beaucoup de familles, les écrans sont la seule source de distraction. » Sans alternative accessible, difficile de réguler ou de réduire leur place. C’est pourquoi il plaide pour que les collectivités ouvrent les cours d’écoles, les gymnases et les espaces de jeu disponibles gratuitement à tous durant l’été. Car pour construire un rapport sain aux écrans, il faut d’abord offrir aux enfants d’autres horizons – même à deux pas de chez eux.

2. Penser à varier les activités dans les transports

Train, voiture, avion… les trajets de vacances sont souvent longs et sources d’agitation pour les enfants. L’écran peut alors apparaître comme un moyen d’avoir la paix. Serge Tisseron nuance : « Il ne faut pas oublier le dessin ! », rappelle-t-il. Crayons et papier peuvent suffire à occuper un enfant tout en stimulant sa créativité. Et encore plus si cette activité commence par un échange et la proposition faite à l’enfant de dessiner quelque chose pour un parent que l’on va retrouver.

Si l’usage d’une tablette est inévitable sur un long trajet, il recommande de le faire avec mesure, avec des moments d’activité partagés si possible, et surtout, de compenser ensuite ce temps numérique par une activité de durée équivalente où l’enfant sera accompagné dans une activité sans écran. L’important est que les écrans ne deviennent pas un réflexe systématique pour occuper les enfants.

3. Compenser chaque temps d’écran par un temps d’échange

« Les écrans ne sont pas toxiques, mais c’est souvent du temps perdu pour les jeunes enfants dont tous les sens sont en éveil pour découvrir la richesse et la complexité du monde », affirme Serge Tisseron. C’est pourquoi chaque heure passée devant un écran devrait être contrebalancée par une heure d’échange ou d’activité en famille. Plutôt que d’occuper l’enfant avec une vidéo pendant qu’on cuisine, pourquoi ne pas l’inclure dans la préparation du repas ? Lui donner de petits ustensiles, lui montrer les ingrédients, nommer les gestes : cela crée un moment d’interaction qui nourrit la relation parent-enfant.

« Un temps d’échange, ce n’est pas forcément poser des questions à son enfant, c’est lui parler, tout simplement », explique le psychiatre. Une philosophie qui invite à repenser le quotidien comme autant de moments propices au lien, loin de la passivité devant un écran.

4. Accepter que les règles ne soient pas les mêmes chez les autres

Un sujet parfois délicat : la gestion des écrans chez les grands-parents. Sur ce point, Serge Tisseron invite à distinguer deux situations. Si les grands-parents gardent les enfants au domicile des parents, il est légitime que les règles de la maison soient respectées. Les enfants y sont déjà habitués, et il est cohérent que les repères établis soient maintenus.

En revanche, lorsque les enfants sont accueillis chez leurs grands-parents, le cadre est différent. L’expert recommande alors une approche fondée sur la confiance : « Ce qui se passe chez eux leur appartient. Vous pouvez leur donner des conseils, mais ils restent libres de faire comme ils l’entendent. » Il souligne que de nombreux grands-parents utilisent la télévision comme un accompagnement quotidien, ce qui peut expliquer un usage plus fréquent.

L’essentiel, selon lui, est que les enfants sachent que les règles peuvent varier d’un lieu à un autre. « Ce n’est pas grave s’ils regardent un peu plus d’écran chez les grands-parents. Ils savent que chez vous, les règles sont différentes, et ils les ont intégrées. »

5. Montrer l’exemple sur la gestion des écrans

Gérer les écrans pendant les vacances ne concerne pas uniquement les enfants. Pour Serge Tisseron, l’usage des écrans doit être pensé à l’échelle de toute la famille. « Aujourd’hui, on ne peut plus seulement dire “les enfants et les écrans”, il faut dire “les enfants, la famille et les écrans” », explique-t-il.

Les jeunes enfants apprennent beaucoup par imitation. Lorsqu’un adulte interagit avec eux tout en regardant son téléphone, la qualité des échanges diminue : « Le parent va faire des phrases plus courtes, répondre plus brièvement, avoir moins de mimiques… Or, un enfant a besoin de mimiques riches, de mots, de phrases pour bien se développer. » Des études montrent que ces situations peuvent entraîner chez l’enfant des retards de langage ou des troubles de l’attention, comparables à ceux observés lorsqu’un enfant passe trop de temps seul devant un écran.

Pour éviter cela, il est essentiel que les parents posent des règles qu’ils s’appliquent aussi à eux-mêmes : pas de téléphone pendant les repas, pas d’écran dans la chambre la nuit… Et pourquoi ne pas remplacer le smartphone par un réveil ? « Il est impossible d’imposer à l’enfant des règles qui ne sont pas familiales », rappelle Serge Tisseron. Montrer l’exemple reste le levier le plus efficace pour aider l’enfant à développer un rapport équilibré aux écrans.