Quelques semaines après le passage de Père Noël qui a déposé de nombreuses consoles aux pieds des sapins, nous avons interviewé Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans les jeux vidéo et les pratiques numériques qui nous partage ses conseils pour accompagner sereinement l’arrivée des premiers jeux vidéos à la maison.
Comment définissez-vous les jeux vidéo et quelles sont les différentes catégories ?
Vanessa Lalo : Un jeu vidéo est un jeu électronique doté d’une interface utilisateur permettant une interaction humaine ludique en générant un retour visuel sur un dispositif vidéo. Il existe différents types de jeux vidéo : jeux de quêtes, de coopération, de construction ou de simulation qui peuvent se jouer seul ou à plusieurs.
Y a-t-il un âge pour commencer à jouer ?
V.L : L’accès aux premiers jeux vidéo et à la première console se fait en général autour de six ans. Avant cet âge, les enfants peuvent s’amuser, de préférence sur une tablette, avec des petits jeux éducatifs qui stimulent l’imaginaire, la logique (puzzle), la créativité (dessin et coloriage) ou qui permettent d’apprendre l’anglais, par exemple, mais ils doivent aussi et surtout se concentrer sur des activités tangibles, bien plus importantes pour leur développement psychomoteur, les interactions familiales et l’apprentissage du langage.
On entend beaucoup parler des dangers liés à la pratique des jeux vidéo (gaming disorder, sédentarité, isolement social), comment prévenir ces risques ?
V.L : Comme pour toutes les pratiques numériques, ce n’est pas le jeu vidéo en lui-même qui est dangereux, mais la façon dont il est pratiqué.
Dès l’achat de la première console ou du premier jeu vidéo, il est important d’établir un cadre clair avec l’enfant et de veiller à bien choisir les jeux proposés.
Développement de la logique et des réflexions stratégiques, amélioration des capacités de concentration, de la mémoire ou de la gestion multitâche, plusieurs études scientifiques ont même démontré que la pratique des jeux vidéo pouvait avoir de nombreux bénéfices pour le développement des compétences cognitives. Des jeux vidéo qui demandent à l’enfant d’être actifs sont toujours plus intéressants que des contenus vidéo devant lequel l’enfant est passif.
Sur quels critères se baser pour bien choisir les premiers jeux vidéo ?
V.L : La première chose à faire est de bien regarder sur les boîtes ou les plateformes d’achat en ligne les sigles d’âges et les pictogrammes des repères PEGI. Le PEGI, c’est un système de classification par âge, rendu obligatoire en Europe, qui permet de s’assurer que le contenu d’un jeu vidéo ne heurte pas la sensibilité des jeunes joueurs.
Mais attention, cette classification repose sur le caractère choquant que peuvent avoir les contenus d’un jeu vidéo pour un jeune enfant, mais pas sur la jouabilité ou le niveau de difficulté. Quand on lit le chiffre trois sur le jeu Mario Bros, c’est que ce jeu ne comporte aucun contenu choquant pour un enfant de trois ans, mais cela ne veut pas dire qu’un enfant de trois ans est en capacité d’y jouer.
Pour se faire une meilleure idée du jeu, de son niveau de difficulté et des éventuels contenus choquants, le mieux est de visionner avec son enfant des extraits de jeu disponibles en ligne et de ne pas se fier uniquement à la bande-annonce qui n’est souvent pas exhaustive. Pour trouver des jeux adaptés pour les plus jeunes, vous pouvez aussi demander conseil à un médiateur spécialisé, par exemple en médiathèque ou regarder des sites spécialisés comme Pedagojeux et pour les applications, Souris Grise.
Quelles règles respecter en matière de temps d’écran ?
V.L : Je n’aime pas le terme règles. Il est difficile d’établir des principes universels. Le temps d’écran ne veut pas dire grand-chose en soi. Chaque enfant est différent et en fonction de l’accompagnement, du contexte socioculturel dans lequel il évolue, des autres activités qu’il pratique en parallèle ou de ses fragilités propres, mes conseils ne seront pas les mêmes.
La préconisation qui me semble la plus importante à suivre est l’accompagnement !
Avant 6 ans, il est important de ne pas laisser un enfant seul devant son jeu vidéo et jusqu’à 12 ans, on l’accompagne. Je recommande toujours aux parents et aux enfants que je reçois d’installer la première console dans le salon et de favoriser les jeux collaboratifs. J’insiste aussi sur l’importance du dialogue. Pour protéger ses enfants, il est important de bien comprendre ce qu’ils ressentent et aussi de savoir valoriser leurs aptitudes et reconnaître les bénéfices que peut avoir cette activité au même titre que la pratique d’un sport.
Sur quoi peut-on s’appuyer pour établir un cadre ?
V.L : C’est à chaque parent de se faire confiance et de décider ce qu’il souhaite autoriser ou non à ses enfants. Pour ceux qui sont un peu perdus, je conseille l’utilisation de l’outil FamiNum proposé par l’organisme Internet sans crainte. C’est une appli qui permet d’accompagner la parentalité numérique en proposant des conseils personnalisés pour mettre en place de bonnes pratiques des écrans à la maison, adaptées au contexte familial (fratrie, type d’appareils utilisés, présence ou non des parents).
Que faire quand un enfant à du mal à arrêter son jeu ?
V.L : Se référer à un cadre posé en amont est une des meilleures façons de procéder. Un enfant à qui on a exprimé des règles claires avant le début de sa partie sera normalement moins réfractaire au moment d’arrêter son jeu. Le respect du temps fixé est important, mais parfois, on peut faire quelques écarts. Le laisser terminer sa session de jeu en se mettant à côté pour comprendre et s’intéresser aux enjeux peut être tout aussi utile que le respect strict du temps autorisé. Lui proposer une activité tangible qu’il aime faire à la suite de sa session de jeu peut aussi être un bon moyen de le motiver à arrêter.
Comment se situer par rapport aux copains qui n’ont pas forcément les mêmes règles qu’à la maison ?
V.L : Les parents doivent prendre leurs responsabilités et ne pas se sentir coupables de fixer des règles. Ils ont entièrement le droit d’interdire des pratiques ou des jeux qui semblent dangereux ou qui véhiculent des valeurs auxquelles ils n’adhèrent pas. L’essentiel est de bien expliquer ses choix et de bien préciser à l’enfant que s’il joue aux jeux qui ont été interdits à la maison ailleurs, vous serez toujours là pour discuter avec lui de ce qui a pu le choquer ou lui faire peur. J’invite aussi les parents à responsabiliser les plus grands dans une fratrie pour qu’ils soient vigilants à ne pas jouer à des jeux trop violents ou trop bruyants devant les plus jeunes.
Un mot de la fin ?
V.L : Le zéro jeux ou zéro écran à la maison ne protège pas les enfants. Nos enfants sont nés dans un monde dans lequel les jeux vidéo sont omniprésents. Les protéger, c’est avant tout accepter de les accompagner et de les guider dans leur pratique pour leur donner les bons réflexes afin qu’ils puissent tirer le meilleur de cette activité qui peut être très valorisante et enrichissante, si elle est pratiquée de manière raisonnée.