Autour de l’assiette se jouent beaucoup d’enjeux éducatifs. Ils ont évolué ces dernières années, et sont peut-être encore plus profonds qu’ils en ont l’air. Faut-il que mon enfant finisse son assiette ? Faut-il ou non le laisser manger ce qu’il veut ? Le point sur la question avec le think tank VersLeHaut.
Des enjeux moraux
Jadis, face à un enfant qui refusait de finir son assiette, les parents faisaient les gros yeux : « pense à tous ceux qui meurent de faim ! » Aujourd’hui, la question du gaspillage est plutôt évoquée dans le cadre de l’éveil à l’environnement. Les enfants sont sensibilisés à la cantine au fait de ne pas jeter des aliments, et à préférer se resservir si besoin. L’enjeu moral s’est déplacé mais il est toujours présent, et les enfants l’investissent encore plus que leurs parents.
Des enjeux de santé
Des enjeux de santé tracassent plus directement les parents : prendre un petit déjeuner avant de partir à l’école pour rester concentré, manger suffisamment de légumes, les caries données par les bonbons, le spectre de l’obésité, la peur de l’anorexie…
Soulignons que ces arguments de santé ne préoccupent pas tous les parents de la même façon : les catégories plus populaires seront plus sensibles au côté nourrissant et plaisant d’un aliment, ils valorisent plutôt le fait que l’enfant aime cet aliment. Les parents plus favorisés penseront d’abord à sa valeur santé1. C’est pourquoi certains messages « Cinq fruits et légumes par jour » ont beaucoup moins d’effets sur les premiers que sur les seconds.
Des enjeux nutritionnels
Sur le fait de finir son assiette, beaucoup de parents connaissent des doutes : je sais ce qui est bon pour mon enfant. En revanche, il connait mieux que moi son appétit.
Alors faut-il ou non le laisser manger ce qu’il veut ?.
Le Programme National de Nutrition Santé, qui publie régulièrement des informations en direction des familles, a édité en 2015, le « Guide nutrition des enfants et adolescents pour tous les parents », qui donne des clés pour l’alimentation des enfants, selon leur âge.
Et le rappel est clair « c’est vous qui décidez du menu », et « n’ayez pas peur de lui dire non ».
Cependant, il souligne l’importance pour un enfant de faire confiance à ses sensations de faim et de satiété, et détaille « comment aider à reconnaître son appétit ».
Des enjeux culturels et de découvertes
Mais au-delà des questions strictement nutritionnelles, les repas sont aussi l’occasion de découvrir des saveurs et des odeurs, et de transmettre sa culture à travers les habitudes culinaires. Il existe d’ailleurs une initiative intéressante, appelée “ les classes du goût”, qui est née dans les années 70, grâce à Jacques Puisais, œnologue, philosophe du goût, passionné de gastronomie, qui s’inquiétait de façon prophétique des risques de la malbouffe. Il proposait d’apprendre le goût comme on apprend à lire et à écrire.
Alors il a conçu des ateliers qui depuis ont été mis en place dans des milliers d’établissements scolaires et qui se déploient grâce à l’Institut du goût. Les enseignants du primaire peuvent monter ce parcours en 8 ateliers en s’appuyant sur un guide pratique. On fait découvrir aux enfants de nouveaux légumes, on les invite à poser des mots sur ce qu’ils voient, ce qu’ils touchent, ce qu’ils goûtent, en devinant à l’aveugle des odeurs, des saveurs, en comparant le goût de 2 variétés de pommes. Ils apprennent aussi à décrypter une étiquette sur un produit alimentaire…
On se rend compte que les enfants apprennent à la fois à mieux se connaître et à partager leur ressenti avec les autres.
Ils gagnent en confiance et en vocabulaire. Sans compter qu’ils sont ensuite plus vigilants à ce qu’ils mangent, avec des effets bénéfiques sur leur santé. Et une limitation du gaspillage !
Des moments en famille autour d’un repas
Les parents sont aussi de la partie, on les informe, et on leur propose des expériences à vivre à la maison. Une enquête d’impact auprès des parents a même montré que cela contribuait à rendre les repas familiaux plus apaisés.
Et en effet, c’est souvent autour des repas que l’on passe du temps avec ses proches, et ça commence à la naissance : le tout-petit qui tète vit un moment de contact, il y tisse un sentiment de sécurité qui l’accompagnera toute la vie.
De tous les pays de l’OCDE, ce sont les Français qui passent le plus de temps à table (2h13 par jour en moyenne).
En 2012, une étude de l’Université de l’Illinois2 a même calculé que quelques minutes supplémentaires passées autour du repas, à le préparer et à le partager, avaient des effets directs sur la bonne santé physique et mentale des enfants : lorsque ces repas sont « investis », les familles parlent ensemble, partagent de façon positive.
Alors les longs repas savoureux en famille font du bien autant qu’ils font plaisir ? Cela pourrait nous donner des idées pendant ces vacances prolongées…
Bérengère Wallaert, chargée d’études pour VersLeHaut
Pour en savoir plus
Lancé en 2015, VersLeHaut est le premier think tank français dédié aux jeunes et à l’éducation, avec pour missions de :
– Mobiliser l’ensemble du corps social (décideurs publics et société civile) sur l’enjeu clé que représente l’éducation, dans toutes ses composantes, aujourd’hui pour notre pays, afin qu’elle devienne un sujet de société prioritaire ;
– Formuler des propositions concrètes et les porter auprès des pouvoirs publics, pour bâtir un projet éducatif adapté aux enjeux du XXIe siècle, en capitalisant sur les initiatives déployées avec succès sur le terrain par des acteurs de tous horizons.