Après les arts plastiques et la danse, notre série Récréations Collection s’intéresse à la musique avec les sept ateliers de « De bouche à oreille ». Avec André Pappathomas, les enfants vont donner de la voix tout en traçant leur voie.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots qui vous êtes ?
Je suis compositeur et directeur de choeur. Je suis un autodidacte. En 1993, j’ai créé une technique d’improvisation contrôlée pour ensemble vocal que j’ai par la suite adaptée au travail en ateliers avec des enfants. J’ai trouvé cela passionnant.
Je leur proposais de créer à partir de leur voix, de ce qu’ils ont à offrir. Je leur disais : « On va chanter ensemble ces notes qui sont en vous… On va chanter « vous ». On va “vous” chanter » En fait, il s’agit de libérer les impulsions créatrices que chacun porte en soi ! Et les enfants sont très à l’aise avec ce genre de propositions.
Pourquoi est-ce important pour un enfant de découvrir sa voix chantée ?
Pour les plus jeunes, c’est difficile de chanter tel qu’il est convenu. Ils parlent, ils murmurent, ils crient, ils créent des sons et découvrent la justesse des mots en balbutiant. Mais ils ont finalement accès assez tardivement au contrôle de leur voix chantée. Les aider à la rencontrer, c’est leur faire côtoyer quelque chose de mystérieux en eux-mêmes.
Et c’est aussi créer une connexion avec les racines de leur être : la voix de leur mère, dont la pluspart pouvait entendre les mélodies quand ils étaient in utero.
Et puis, être enfant, c’est quand même un sacré truc : il faut obéir, se plier à des règles, répondre à des codes. En les invitant à chanter ce qu’ils ont déjà en eux, on libère leur voix. Ils sont dans le relâchement, la sérénité. Le chant donne accès à une auréole de grandeur, de beauté.
En fait, quand on chante, on est bien, comme quand on regarde les étoiles.
C’est aussi prendre conscience de son corps ?
Oui car l’instrument du chanteur, qu’il ait 5 ans ou qu’il soit professionnel, c’est son corps. Le chant permet de prendre conscience de son corps comme d’un tout, notamment via la respiration. En inspirant, en expirant, nous réalisons que notre corps est un ensemble vivant, fait d’organes et de membres.
C’est bien sûr, la respiration qui est à l’origine de l’émission vocale, les enfants comprennent cela tout de suite. En groupe, les corps respirent ensemble et rien que cela, c’est déjà faire chorale. Ne reste plus qu’à y ajouter la voix !
Quand ils sont jeunes, les enfants ne sont pas toujours très « chauds » pour commencer le solfège. Cela leur semble rébarbatif. Faut-il un peu les forcer, selon vous ?
Quand on sent que son enfant a un talent, je comprends qu’on veuille favoriser son cheminement dans cette direction. Et en ce sens, il y a des formes d’intelligence qui correspondent très bien aux structures académiques…
Je dirais qu’en premier lieu il faut se poser la question suivante : en tant que parent ou que professeur, pousser un enfant, le fait-on pour lui ou pour nous-mêmes?
Ensuite, pour moi, le problème, c’est que l’enseignement actuel de la musique repose beaucoup sur l’interprétation et tend vers la virtuosité. La création est reléguée au troisième plan. On en fait de bons instrumentistes, de bons exécutants, mais quid de l’expression des talents créateurs ?
Par exemple, quand on parle d’improvisation en musique, on pense inévitablement au jazz. Il faudrait renouveler cette façon de voir. L’enseignement de la danse comme celui du théâtre ont déjà beaucoup évolué sur ce sujet. L’enseignement de la musique gagnerait à se régénérer à son tour.
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Comment s’organisent les vidéos que vous proposez ?
Ces ateliers ont pour but d’amener l’enfant à porter attention à sa créativité, son imaginaire par le biais de sa voix. L’idée est de leur faire découvrir la musique qui les environne, par les objets, les bruits de leur quotidien, et bien sûr par leur voix.
Je veux les aider à comprendre qu’on peut être musicien par la façon dont on entend ce qui nous entoure. Ajouter à cet environnement notre voix, c’est agrandir son quotidien comme celui des autres ! Bref, c’est découvrir la musique que nous portons en chacun de nous.
Propos recueillis par Joséphine Lebard
Photo : Sage Rebelle Photo
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